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    1960, un mois avant " Psychose " d'Alfred Hitchcock, sort " Le Voyeur " du réalisateur anglais Michael Powell. Un film dont le thème récurrent est la " scoptophilie " (à savoir, le besoin morbide de regarder la peur d'autrui), et qui symbolise à cette époque, le plus audacieux travail cinématographique " trangressif " du Royaume-Uni. Malheureusement, la presse britannique crucifie Powell.... " Abject ", " ignoble " sont les qualificatifs les plus vertueux, d'une critique anglaise véhémente, injurieuse à l'égard de " Peeping Tom " (" Le Voyeur "), qui est rapidement retiré de la distribution. Michael Powell est littéralement rayé de la carte : mis sur une liste noire, et obligé de s'exiler en Australie... Sa carrière, est tout simplement brisée. 

    Pourtant, " Le Voyeur " est sûrement l'un des plus brillant et somptueux films d'horreur jamais réalisé. Longtemps oublié, c'est grâce aux efforts inlassables d'un Martin Scorcesse dans le domaine de la restauration et le soutien de grand réalisateur, à l'instar de Coppola, que " Peeping Tom " est reconsidéré et finalement reconnu comme un chef d'oeuvre de la cinématographie anglaise.

    - HISTOIRE -

    Film complexe, profond, voire  "problématique ", " Peeping Tom " est l'histoire de Mark Lewis, un jeune homme qui s'occupe de prises de vues pour le cinéma et qui prend durant son temps libre des photos de prostituées.

    Son père, un savant, qui à consacré toute sa vie à l'étude psychologique de la peur, l'a longtemps utilisé comme un cobaye... L'éveillant ainsi, par exemple, en sursaut la nuit, dans le but de filmer ses réactions, et notamment les rictus de son visage empreint de crainte et de dégoût. Epié sans relâche par son père, qui ira même jusqu'à le filmer au chevet de sa mère morte, Mark développe ainsi et ce, malgré lui, une véritable psychose du regard.

    A la mort de son père, il se décide à poursuivre son travail et se met à espionner les gens, reproduisant même les expériences de ce dernier, sur de jeunes femmes. Jusqu'au jour, ou il poussera ces pratiques jusqu'à les assassiner, afin de saisir les images de leur angoisse, au moment de la mort.

    Pour supprimer ses victimes, Mark a mis au point, une caméra dont l'un des pieds dissimule une lame acérée, qu'il déploie et brandit, lors d'un dernier travelling assassin (plan horizontal), ou il plante brutalement cette épée dans la gorge de ses " proies ". Tout en les filmant, Mark leur dévoile alors un miroir convexe, afin de provoquer chez celles-ci, qui voient s'y refléter leur agonie, un plus haut degré d'effroi, de terreur, d'agitation, en un mot d'épouvante.

    Parallèlement à tout ceci, il se lie à Hélène, une jeune femme qui loue une des chambres de la maison dont-il est le propriétaire. Mais c'est, cette même Hélène, qui se refuse à filmer et donc à tuer, qui va le pousser dans un ultime assassinat, à mettre en scène sa propre mort, cette dernière ayant découvert l'horrible vérité de " Peeping Tom "... ..

    - ANALYSE -

    Ainsi, " Le Voyeur " se trouve être, un film très déstabilisant, d'autant qu'il nous positionne  en un voyeur impuissant, face à l'intimité d'un meurtrier et de sa victime.

    De cette manière, il va bien plus profond dans l'idée et l'essai de nous inscrire, de nous impliquer avec le tueur, qu'un " Psychose " ou autre... J'en veux pour preuve, le  " filmage " subjectif très présent dans le film de Powell.

    En effet, outre le " filmage " classique, le réalisateur, n'hésite pas à nous montrer ce que voit Mark Lewis, à travers notamment le viseur de sa caméra. Et c'est vraiment très malsain, voire insupportable, car on est amené à suivre l'auteur d'une action repoussante, ignoble, et ce malgré nous... Et sans pouvoir prendre le recul que peut nous offrir un positionnement de caméra plus neutre. Michael Powell, nous obligeant en cela, à devenir à notre tour un voyeur, voire un acteur à part entière dans ce processus d'observation de la peur, puis de la mort.

    Mais, il faut également noter, que la musique joue aussi un rôle essentiel, dans le film, et dans cette idée de confinement. Et elle rappelle vite une tradition ancienne de la musique comme vecteur d'angoisse dans le cinéma fantastique et d'horreur... Le crescendo de la tension se fait en parallèle avec la musique qui devient vite, obsédante et lancinante. Avec un rythme musical de plus en plus rapide, conforté par des actions à l'écran de plus en plus inquiétantes.

     Méthodiquement interprétée au piano, nourrie de thèmes discordants et sans cesse différents, elle sort de nulle part et anticipe le meurtre. Elle se veut soudaine, sans cesse renouvelée, et revient dans le film à de nombreuses reprises, systématiquement lors des meurtres, de leur enregistrement par la caméra, puis lors de leur projection.

    Michael Powell aspire et joue, également beaucoup dans son film, sur la confrontation quasi-régulière du son et des images. Un rapprochement qui atteindra son paroxysme, lorsque Mark projettera le meurtre de l'une de ces victimes, tandis que la mère d'Hélène, aveugle, est présente... Le meurtre étant muet, on est alors témoins d'un décalage épouvantable, ou Mme Stephens (la mère) questionne Mark et tente de deviner...  Et nous : spectateur, on observe et on ne demande qu'à être les yeux de l'aveugle...

    Au demeurant, il est amusant de remarquer, que toujours dans l'idée d'une confrontation du son et de l'image, Michael Powell, a crée un couple thématiques image / son, à savoir : Mark, fils d'un père  " furieusement " voyeur, et Hélène, fille d'une mère aveugle.

  

- FINALITE -

Dès lors, je pense que vous aurez vite compris (du moins je l'espère), pourquoi " Le Voyeur " choqua autant la critique anglaise. En effet, " Peeping Tom " se veut un film très audacieux, sur le statut du spectateur, son positionnement dans et à travers les scènes, où un parti pris narratif et cinéphile, généralement habituel, n'est plus présent. C'est ainsi, un film, saisissant à plus d'un titre, et chargé de " messages codés ", qui se termine par un admirable closvéritable substitut phallique... Ce pied de caméra étant la seule pénétration dont il est capable) s'empale avec la lame de sa caméra (véritable substitut phallique... Ce pied de caméra étant la seule pénétration dont il est capable), sans aucune coupe pudique. Avec un tel film, Michael Powell, " n'accuse " pas le spectateur, mais le laisse " s'accuser "... En d'autres termes, plus vous êtes sérieux devant un film, plus vous pourrez trouver " Le Voyeur " affligeant. Mais vous pouvez également, être affligé par des gens qui voient les films comme un simple divertissement... .... Inoffensifs. ;)

 

 

 

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