AccueilFilms cultesForumsLiens (URL)


 

 

 

Invariablement : Sans cesse.. sans arrêt... sans relâche, j'étais, je suis et je serais, rongé.. torturé... tenaillé, pour ne pas dire tourmenté par cette soif, cette attirance, que vous baptiserez : désir de tuer. Plus il y en avait, mieux c'était. Oui, si j'en avais, eu la chance, j'aurais tué une multitude de gens. J'aurais procrée, inséminé des désastres. Tous les soirs, j'écumais les rues de la ville à la quête d'un martyr. Cependant, ce n'était pas si simple que ça d'en trouver un. Lorsque je rentrais à minuit passé, tantôt rassasié du sang de mes victimes, je ne faisais jamais de cauchemars et mes nuits n'étaient en aucun temps, obscurcies par le manque de sommeil. Je n'ai expressément aucune peines. Après tout, j'étais là pour m'acquitter de ma mission.

 

    - HISTOIRE -

    Telle est si vous me le permettez, l'effigie plus ou moins romancée de Peter Kürten dit le " Vampire de Düsseldorf ", qui suggéra et inspira à Fritz Lang l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma, à savoir : " M le Maudit ". Reprenant, le reflet de ce pervers sexuel, textuellement avide de sang, qui défraya la chronique allemande de la fin des années 20, " M le Maudit " premier film parlant de Lang se veut un film particulièrement noir et pessimiste, à la frontière du réalisme et de l'expressionnisme. 

    Esquisse de l'Allemagne des années 30, " M le Maudit " est ainsi l'histoire de Frantz Becker alias " M ", un assassin aux pulsions incoercibles qui erre, insaisissable dans les rues d'un Berlin " vipérin ", soulevant l'indignation et la peur de l'opinion. Ces crimes suscitant des réactions hystériques d'autodéfense, au sein d'une société berlinoise multipliant les délations, et condescendant un goût languissant, voire morbide, pour ces faits divers, rougis de sang.

    Toujours est-il que " M " vient de faire une nouvelle victime. Il s'agit d'Elsie Beckmann, fillette issue du milieu populaire. Jeune fille retrouvée aux dires de la presse assassinée, " émissaire " des pires sévices, de ce maniaque assassin d'enfants. Une réelle psychose s'empare alors de la ville. D'autant que le commissaire Lohmann décide d'intensifier ses recherches, en procédant à de nombreuses rafles et perquisitions, dans le milieu de la pègre locale.

    Hélas, aucune trace n'est relevé, personne ne semble le connaître. Reste que, la pègre lasse d'être constamment importunée, se résout, à l'instigation de son chef Schänker, à lancer une chasse à l'homme mortelle. Sur ces entrefaites, alors que la police utilise des méthodes d'investigation scientifiques, la pègre se sert de son réseau de truands, voleurs, et clochards pour faire surveiller la ville.

    Dans ces conditions, et alors que le commissaire Lohmann est mis sur une piste, en étudiant la liste des malades sortis récemment des cliniques psychiatriques, " M " se trahit en sifflant, devant un marchand de ballons aveugle, le même air de Peer Gynt que le jour de la mort d'Elsie. Sans plus attendre, un jeune voyou le prend en filature et réussit en le bousculant à imprimer sur son manteau la lettre " M ", préalablement dessiné à la craie, dans le creux de sa main.

 Se sentant découvert, Frantz décide de se réfugier dans un immeuble administratif où il sera capturé, après que la "coterie " déguisée en policiers ait neutralisé le concierge, et se soit introduit à l'intérieur du building. Arrivée sur les lieux, la police arrête l'un des truands, resté seul à essayer de forcer la chambre des coffres. Rapidement, il avoue que l'assassin est entre leurs mains et a été conduit dans une usine désaffectée pour y être jugé.

  La pègre qui c'est donc ériger en tribunal écoute " M " leur exposer son cas, et implorer en vain leur pitié, affirmant être poussé à tuer par une force invisible et invincible. A ce moment là, alors qu'il est sur le point d'être exécuté, suite à sa condamnation par l'inquisition mafieuse, la police intervient : envahissant la distillerie, afin de le traduire devant une juridiction légale.

 

    - ANALYSE -

" M le Maudit " est ainsi un film fascinant voire captivant. S'articulant autour de thèmes comme : la pulsion criminelle, la dialectique innocent-coupable, bourreau-victime, il s'avère être un véritable chef-d'oeuvre. Sans contexte, ce film est l'un des plus importants, des plus inventifs, perspicace, et des plus surfin du cinéma. 

Le récit, fondamentalement criminel et " ébénéen " dans un premier temps, puis rigoureusement moral, ne comprend aucune faille.

La mise en scène est d'une aisance et d'une régularité vertigineuse. Le montage, les mouvements de caméra, les plans comme découpés au scalpel, les jeux d'ombres et de lumières, rien n'a été laissé au hasard. Chaque élément apporte un éclat distinct et rend enivrant de complexité ce qui pouvait sembler " univoque ".

    De plus " M le Maudit ", est un véritable polar au personnage très travaillés. Le criminel [qui révèle l'inoubliable composition de Peter Lorre (Faucon Maltais, Casablanca) avec sa frimousse de poupin, sa voix, et ses yeux globuleux], le commissaire Lohmann, le chef de la pègre, mais également tous les seconds rôles créent une galerie de portraits, d'autant plus criant de vérité, que Lang n'a paraît-il pas hésité, à recruter des figurants dans le milieu mafieux.

    De surcroît, si le scénario obtempère aux règles les plus exigeantes du suspense : filature, poursuite et arrestation, Lang nous donne ici, le procédé d'un thème qu'il prolongera durant l'ensemble de sa carrière hollywoodienne : toute la collectivité, des clochards aux autorités, passe la majorité de son temps à professer une justice expéditive et à se défaire de sa " quérulence ", de sa mauvaise conscience, ou de ses difficultés quotidiennes sur des personnes isolés plus ou moins coupables à l'origine et victime en définitive.

    Plus exactement, en enlevant tout problème moral des " inclinaisons " des personnages (la pègre cherche l'assassin pour que la police cesse les arrestations) et en exploitant le parallélisme du montage (l'enquête de la police et de la mafia), Fritz Lang braque le projecteur sur la ville comme corps sociale, plus que sur une " parabole " individuelle. Et le fait que Frantz Becker n'apparaisse pas dans la majorité des perspectives permet à Lang de laisser la nature et les motivations du meurtrier dans la pénombre.

    M'enfin... Me direz-vous... ... " M " n'est-il pas infâme, blâmable, pour ne pas dire coupable ? Sincèrement, " M " a-t'il été réellement atroce avec ses innocentes victimes ? De quoi les a-t'il assujetties ? En effet, elles n'auront pas la chance, après tout, d'offrir des bouquets de fleurs au Führer, d'être prises dans ses bras, voire photographiées avec lui lors des " apparats " et des défilés, de ce délicat et convivial Adolf. Qui a, c'est vrai, au moins, le bénéfice " d'être mieux mis " de sa personne, plus présentable et plus sécurisant que " M ", mais qui embrasse la technique initiée de tous les violeurs-assassins-exhibitionnistes-pédophiles, à savoir faire risette à la petite gamine, pour après aller lui faire sa " fête " dans un recoin à la fois funeste et embrumé.

  

    - CONCLUSION -

    De cette façon, peut-être l'aurez-vous compris... Lang n'a pas dressé avec " dualisme " le portrait d'un meurtrier. Il a brossé, avec une répartie remarquable, l'image d'une société en décomposition. D'une Allemagne sur le point de " verser " dans le nazisme. " M " n'est pas celui que l'on imagine. Certes, je vous l'accorde c'est un psychopathe, mais la société, qui balance à tour de bras et vocifère sa mise à mort, est sûrement plus criminelle que lui.

    Ainsi, au delà du fait divers, c'est toute la nation allemande qui est en accusation. " M le Maudit " de Fritz Lang*, est donc plus qu'un film " ingénu ", c'est en fait un " documentaire " sincère sur la société de son* temps.

 

 

 

PrécédentSuivant

Copyright(c) 2003-2008. 6né'Web. Tous droits réservés.

dyaus@netcourrier.com